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Deux pouces, des apps et des emoji, Anne Horel un nouveau talent numérique – MOBACTU / by @laurenceallard

Deux pouces, des apps et des emoji, Anne Horel un nouveau talent numérique

Dans le cadre de ce blog de recherche portant sur la culture mobile, il importe de rendre compte de l’émergence d’une scène créative depuis les usages des terminaux mobiles, de leurs fonctionnalités (textos, photos, vidéos, emojis) et  de leurs services (applications, plate-formes etc.)

Parmi ceux qu’on désigne comme les nouveaux « talents numériques », cette figure culturelle de l’ère digitale et de ses publics expressivistes et remixeurs, nous avons eu le plaisir de rencontrer en mars 2015, Anne Horel, GIF artiste dont la panoplie créative mobile ne cesse de s’étendre avec virtuosité.

 

La créativité mise en applications

Après une année d’hypokhâne et une admission en Ecole d’Art à Cergy, Anne Horel s’empare d’abord des GIF et de leur potentiel artistique puis découvre à son lancement l’application de vidéo mobile à 6 secondes, Vine. Pour une GIF Artiste et selon les propres termes d’Anne Horel, « Vine, c’est jouer sur la boucle du GIF. J’ai bouclé la boucle ». De par son activité de veille à l’émission « L’Oeil de Lynx« , elle a été amenée à veiller sur ce qui se faisait autour de cette application. Elle cherche depuis à contribuer à la constitution d’une « communauté Vine » autour de « vineurs créatifs ».

Cette communauté créative s’institue selon elle  « un peu sur le principe d’une école d’art : on aime le contenu de quelqu’un, on se lie, on s’envoie nos brouillons ». Parmi ces vineurs, il y a évidemment, sur le modèle des youtubers, les comédiens du genre Stand Up, auteurs de  mini-skectches pour lesquels Vine est intéressant à explorer car « moins chronophage qu’ internet. »

 

 

Autre application mobile à travers laquelle s’exerce le talent d’Anne Horel, Snapchat dont les nombreux détournements de la promesse d’une « transaction éphémère » ont fait l’objet de nombreux billets de ce blog. Suivant la problématique du mobile comme technologie culturelle, Anne Horel considère la fonction « Story » de Snapchat  comme « un super outil de tourné monté grâce à la jonction des séquences entre le début et la fin de ce qui a été tourné. »

Un usage peu connu pour les créatifs mobiles de l’application Snapchat est également d’ être  » la corbeille de Vine. Tout ce qu’on poste pas sur Vine, on le poste sur Snapchat ».

Cette fonction « corbeille » serait à reliée avec le parcours d’usage de l’application proche du « zapping » de Tinder. « Sur Snapchat, tu zappes comme sur Tinder » décrit Anne Horel.

Du point de vue de la sociologie des pratiques numériques, cette logique d’usage peut être observée de fait chez les jeunes adoptants de la culture mobile. Le terme anglais  « thumbstopper » a été ainsi forgé pour signifier ce geste consistant à arrêter de scroller  les contenus sur son écran. « Zapping », « random », « next », « nope » autant de mots pour désigner cette activité passée devant les écrans dont le propre est justement de ne pas lire de ne pas voir.

A l’écoute de la description de son travail créatif, il semble crucial de prendre en compte la panoplie créative d’Anne Horel  comme un continuum d’applications mobiles qui possèdent chacune une singularité : « Tout est connecté on peut être fort sur Vine, Snapchat et Instangram, c’est un système de vases communicants » nous explique t’elle.

Et la fonction de « réseau social » de ces applications, qui permet d’agréger une » communauté de talents », est plus à considérer comme faisant office de studio créatif. Ce qui est mis en réseau c’est aussi la créativité et son outillage. Ici le format « réseau social mobile » est tout autant opérant du côté de la production et de la création et pas seulement du côté de la circulation sociale.

Une économie créative du mobile, ses nouveaux intermédiaires et la nécessité de bonnes pratiques

Ce que permet de pointer également le parcours d’Anne Horel est  l’émergence d’une économie créative du mobile au sein de laquelle elle souhaite impulser de « bonnes pratiques. »

Il existe ainsi une fonctionnalité sur Snapchat permettant de payer par la monnaie Snpacash le visionnement des « mini show privés » créés par les snapchatteurs eux mêmes sur les chaînes Discovery de Snapchat ( Fusion, MTV, Cosmopolitain, CNN…).  Le prix à faire payer exigible par ces nouveaux talents numériques dépendra du nombre de followers. « C’est un vrai marché, avec des conventions comme n’importe quel autre marché financier »  constate Anne Horel.

Ainsi, des chiffres pour tel vine suivant tel nombre de followers telle marque telle chaîne circulent entre vineurs. Ce qui pousse Anne Horel à la nécessité de monter un collectif de « french viners » à des fins de transparence des prix . Elle poursuit « passé 30 ans, c’est important que les gens qui créent des choses sur les réseaux sociaux jeunes coopèrent un minimum pour construire une communauté transparente. Il faut montrer  que c’est un travail. Les jeunes stars, surtout aux USA, se montrent en perpétuel fêtard et des milliers d’ados qui suivent ces jeunes stars pensent qu’en faisant des Vine, on devient millionnaires sans avoir rien à faire. »

Cette économie créative du mobile structurée par les plate-formes mobiles – appartenant le plus souvent aux GAFA – se construit à travers un tropisme étatsunien, les USA d’où viennent les appels téléphoniques qui la contactent afin de créer des contenus (GIF, Story, Vine) pour telle ou telle marque.

Cette intermédiation des talents numériques, au profit des marques qui peuvent financer des campagnes réalisées par des instangramers ou des vineurs dits « influents », passe donc par les plateformes mobiles des GAFA (Facebook/Instagram, Twitter/Vine) mais suppose également un ensemble d’agences qui se spécialisent sur le Creative Content.

Cette économie créative mobile reste à décrypter comme nous le proposons avec Anne Horel, Franck Jamet, Pierre Cattan Jean Fabien et Adrien Brunel dans le cadre d’une rencontre-débat que nous organisons avec Arts Mobiles le 29 avril 2015.

 

A noter que cette économie du talent numérique est basée sur les technologies de l’influence notamment sur l’analyse des graphes sociaux délimitant une topocratie et non une méritocratie suivant la distinction du chercheur César Hidalgo – c’est à dire une concentration de noeuds de réseaux par quelques hubs. Elle repose sur le nouveau rôle pris par un  public de consommateurs dans la co-diffusion des marques des produits par  une logique d’identitification à ses semblables, d’authentiques « autres que soi-même », qui est le ressort même de la culture de la célébrité des youtubeuses.

La fanbase entre like et follow, la plateforme comme incubateur d’audienciation, la compétition dans la créativité

Si une « french vine economy » peine à se mettre en place, l’économie créative mobile repose sur une nouvelle figure de l’audience, la fanbase. Ce public de fans qui « follow » et « like » vient exprimer son goût pour tel ou tel talent mobile par le biais d’un abonnement à un compte et d’un geste interfacé d’appréciation.

Cette nouvelle forme d »audience, se produisant comme telle à travers son activité expressive que nous avons désigné en 2009 par audienciation – est comptabilisé par Anne Horel comme un critère de jugement sur son propre travail. « Les Vine que j’ai posté sur les césars, les gens n’ont pas aimé, j’ai eu très peu de like. Un bon Vine pour moi c’est 10 000 boucles et 300 likes. »

Parmi les compétences des talents numériques que l’économie créative cherche faire grandir à l’ombre des réseaux socio-mobiles, le talent de « calcul communicationnel » est primordial et les boucles de la reconnaissance – ie le nombre de fois que le Vine tourne – sont comptées avec intérêt voire une certaine anxiété sociale. « Les followers, c’est la première compétition. Lui il a une énorme fanbase, 24 000 followers sur Instangram et 2 000 sur Snapchat » nous indique t-elle avec précision à propos d »un vineur français.

Pour Anne Horel, l’un des attraits de Snapchat est que l’on visualise « l’activité de l’audience, si les fans ont fait des captures d’écran et s’ils regardent. Ensuite on reçoit aussi  des messages privés ». Pour elle, « c’est une façon de connecter avec son audience. L’autre fois j’ai eu une grosse loose sur une histoire d’amour que j’ai raconté sur Snapchat et j’ai dis « donnez moi des conseils » et là j’ai reçu des conseils en message. Snapchat c’est mon journal intime maintenant. Vine, Snapchat ce sont tout à la fois des outils , des langages, des réseaux sociaux, c’est brillant. »

Créer du bout des doigts : la virtuosité digitale existe !

Le travail créatif d’Anne Horel suppose de prendre en compte toute la panoplie digitale qui est à la fois transécranique et transmédiatique par nature. Ecrans, terminaux, fonctionnalités, services, formats, contenus se trouvent pratiqués dans un grand mix créatif.

Ainsi, Anne Horel peut effectuer un montage préalable sur Final Cut, se l’envoyer par mail, l’enregistrer dans la pellicule de son téléphone, pour aller ensuite l’uploader sur Vine afin de le mettre en boucle.

Ou encore lorsqu’elle réalise une story sur Snapchat, « pour acculturer à la culture française mon audience qui est plutôt américaine », elle réalise un mixtape associant gif animé et une liste de sons, qu’elle envoie sur wetransfer. Pendant ce temps, « les followers prennent des captures d’écran du lien que je mets sur snapchat, ils font des captures d’écran et le téléchargent sur we transfer ».

Ce hack d’usage est typique, selon nous, des tactiques des praticiens du numériques qui usent et abusent de la fonctionnalité « appareil photo » pour réaliser des images-textes dès plus inventives, comme nous l’avions présenté dans « Téléphone Mobile et Création« .

Cette créativité s’avère également diffuse à l’instar du rôle de compagnon d’existence qu’est devenu le téléphone mobile pour tous et notamment pour Anne Horel. « Je passe ma vie avec mon téléphone. Je fais des photos tout le temps. Et je fais les images sur mon téléphone avec les applis. Puis je vais poster sur plusieurs sites histoire de ne pas poster tout sur Instangram mais de dispatcher. Je fais un vine par jour au moins et si pas le temps j’uploade un snap ou sinon un gif. »

Cette création mobile vient également occuper des temps morts des arts numériques quand elle attend l’effectuation « des rendus vidéo « sur un gros ordi et donc soit je vais sur mon petit ordi faire une recherche ou alors je compose mes images sur mon téléphone en attendant que le rendu se termine. »

Et comme nous le montre cette vidéo prise lors de notre entretien, c’est avec virtuosité dans sa gestuelle, grâce un art de faire à la main, avec ses deux pouces qu’Anne Horel compose ses images mobiles à l’aide d’une palette créative d’applications comme Kamio ou 99ctsbrain. Cette activité de création pleinement digitale (au double sens de numérique et de tactile) qui se joue des images et réinvente le collage et le mixage des signes (images, emojis, stickers sons) et des écrans est un spectacle en tant que tel.

 

 

Merci à Anne  Horel et bravo ! Vous pouvez la retrouver au sein de sa constellation numérique et mobile sur   Twitter, sur Instangram, sur Vine sur Youtube  sur Tumblr et sur Soundclound

 

© Anne Horel, Emoji Art History, 2014

 

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