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Détournements – MOBACTU / by @laurenceallard

Anthropologie du vote (I) : Téléphone mobile et créativité visuelle, le cas de la webapp PlaceOPeuple

Comment s’effectue la décision de voter pour tel ou tel candidat ? Comment s’accomplit l’engagement électoral ? Et comment les technologies d’expression, de communication et relationnelles se trouvent pratiquées en temps de campagne électorale par un public de militants et sympathisants ?

Ces questions sont immenses mais elles forment le cadre d’une anthropologie du vote qu’il est intéressant d’initier en temps de campagne électorale.

L’application PlaceOPeuple : « le premier média, c’est nous »

Nous voudrions contribuer à apporter quelques réponses en nous focalisant sur l’usage d’une webapp réalisée pour la campagne du Front de Gauche et de son candidat Jean-Luc Mélenchon, PlaceOPeuple. Comme l’explicitent les concepteurs de la WebApp, Les Appliculteurs, elle a été « codée en html5 pour être accessible sous une forme optimisée à tous les types de portables ». Sur cette application, en plus de l’actualité de la campagne, sont proposés de façon inédite des « défis » aux « révolunautes ». Des « révolunautes » qui se trouvent dotés d’un outil de mobilisation et d’information personnelle dans la mesure où, comme le proclame le slogan de l’application, « Le premier média, c’est nous. »

Lancée le 15 décembre 2011, ce sont plus d’une quinzaine de défis qui ont été initiés.Il s’agit à travers ces « défis » d’innover dans les répertoires de mobilisation en temps de campagnes.

Le dernier en date a été proposé le 2 février 2012 et il mérite attention pour tous ceux que les pratiques politiques vives interpellent.

Au moyen de l’application, les « révolunautes » sont invités à « participer à la grande galerie photo que nous sommes en train de composer avec les visages et les messages des citoyen-nes de ce pays. L’idée : se prendre en photo avec un panneau sur lequel est inscrit un message qui doit commencer par «Je vote pour…» et se terminer par «#placeaupeuple», notre signe de ralliement à la candidature du Front de Gauche. Soit créatif : invente le reste ! Pour participer, rendez-vous dans l’appli de campagne : il suffit de relever le défi «Je vote pour… Les messagers de la Révolution citoyenne», dans la partie «Agir» de l’application. Ou envoie-nous directement un mail à l’adresse : photos@placeaupeuple.mobi À toi de jouer ! » Il est ensuite possible de consulter cette galerie photo sur la page du candidat Jean-Luc Mélenchon sur Facebook.

Diaporamas, photos de famille, lolcat, détournements photoshop : les pratiques créatives des « révolunautes »

En plus des commentaires qu’il suscite, comme par exemple celui saluant la « créativité du peuple » et autres messages de soutien directs au candidat, l’album riche de plus de 250 photos environ a été partagé – à ce jour – près de 700 fois dans sa globalité, commenté par plus de 1 700 personnes mais certaines photos sont également l’occasion de commentaires et de nombreux partages.

Mais s’agit t’il de simples portraits photographiques de militants comme les consignes initiales du défi l’implicitaient ? Il n’est pas besoin d’être grand spécialiste de culture visuelle pour remarquer la grande diversité des propositions iconiques des militants, sympathisants et de leurs amis ou familles .
Plusieurs genres culturels s’y trouvent déclinés dont certains sont outillés par les technologies de création d’images comme les logiciels de retouche photographique. Certaines propositions reprennent, en effet, l’esthétique dite « photoshop » qui consiste à utiliser une photo préexistante ou prise pour l’occasion et d’y accoler un texte déclaratif sur les motifs de son vote. Les animaux familiers ou les intérieurs sont souvent convoqués et parfois mis en scène comme supports énonciatifs. Un photographie met en image une cuisine et des produits ménagers redécorés par des autocollants du Front de Gauche pour illustrer la nécessité de « faire un grand ménage ». Nicolas Sarkozy. Ou encore cette photo d’un chat pris dans sa corbeille dans laquelle a été placé un carton affichant « je vote pour écrire un nouveau chat-pitre de l’histoire. »

D’autres images sont créées par détournement de leur dénotation comme par exemple des grues de chantier ou de course de ski par l’ajout de phrases déclaratives « Je vote pour les ouvriers, je vote pour que l’on remonte la pente. »

Autre genre rencontré, la « photo de famille » où un groupe, couples ou bandes d’amis, se met en représentation pour afficher ses intentions de vote.
Les premiers modèles suggérés dans l’énoncé du défi de se représenter avec un pancarte, suivant le répertoire d’action de la manifestation, ont été assez peu répliqués et d’emblée les propositions sont allées dans le sens d’une interprétation personnelle des consignes.
Une interprétation personnelle qui suppose de recycler des genres et des pratiques éprouvées dans d’autres domaines.
C’est le cas des messages déclinant l’esthétique des diaporamas. Genre négligé – mis à part par les fokloristes du web qui minimisent par là même la portée sociale de leur confection et de leur circulation par le biais du réseau social des boites mails – ces diaporamas reconduisent les usages de la blague de bureau ou du genre discursif de la brève de comptoir. Or les diaporamas sont un support d’expression politique ordinaire où parfois se rencontre un humour déplacé à l’égard des femmes et des étrangers. Le contenu habituel du diaporama est ici réécrit dans une version militante avec ces exemples à la typographie typique privilégiant les anglaises  : « Je vote pour la résistance et la révolution citoyenne. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les créations infographiques sont assez peu représentées. C’est plutôt la logique de la reconversion et de la réappropriation d’usages photographiques connus en formes d’expression militante qui est ici de mise : diaporamas, photos de familles, photoshop, portraits d’animaux servent de support à l’énonciation d’une opinion et donc d’une adhésion militante à un candidat. Des photographies prises depuis le mobile sont également envoyées depuis leur contexte de prise de vue et de position, comme ces exemples montrant une salle de cours et un tableau d’amphithéâtre en décor de fond.

La grammaire du vote : des vraies luttes sociales à la cause générique de « l’humain d’abord. »

Dans ces créations imaginées par ceux qui se revendiquent « citoyens », ce sont autant de motifs du vote qui se trouvent énoncés. Et c’est pourquoi, ces messages forment un ensemble heuristique pour documenter et comprendre comment et pourquoi l’on vote pour tel ou tel candidat, comment se forge l’adhésion à une candidature car on ne nait pas militant on le devient.
Parmi les motifs proclamés sur dans cette galerie de portraits de militants s’exprimant au travers de leurs créations personnelles, on repère  la gamme des causes sociales au programme du Front de Gauche  : partage des richesses, égalité entre les hommes et les femmes, droits à la santé, à la retraite, à la culture ou la fin du nucléaire. L’autre grande grammaire des intentions de vote, illustrée ici dans ces formes d’expressions visuelles et textuelles, rejoint le slogan fédérateur du front de gauche : « L’humain d’abord. » Cette cause générique est déclinée sous plusieurs éléments constitutifs : la dignité de l’homme,  la fraternité, l’amour. A noter que ce sont souvent nos « compagnons d’espèce » (Donna Haraway), chiens ou chats, qui vont figurer sur ces messages génériques d’engagement. Une humanité au sens large se trouve ainsi représentée loin de l’esthétique LolCat à laquelle on serait tenté de réduire, dans un premier temps, la présence de tant d’animaux dans les propositions graphiques des « révolonautes. »


La topique du vote : lieux symboliques et décors quotidiens d’où l’on vote

Autre élément remarquable dans cet album, les lieux de prise de vue qui sont à prendre comme l’équivalent visuel de prises de positions.
Parmi les topiques du vote, on reconnait l’usine, l’école et l’université, la rue, le jardin et le pré, l’Assemblée Nationale et les terres de métissage ou encore son propre corps.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce qui est encore remarquable concerne les décors intérieurs, qui représentent la toile de fond majeure de ces portraits photographiques. Mais il s’agit d’une domesticité réinventée comme cadre idéal de l’amour entre personnes de même sexe ou campement d’un guerillero auquel s’identifier. Ou encore une domesticité symbolisant crûment les conditions de l’existence à l’image de cet intérieur de frigo vide. Ou enfin, une domesticité comme aire de ce qui n’est pas vraiment un jeu d’enfant, à savoir se loger dans une cabane.

 

 

 

A travers le choix d’un lieu symbolique – usine ou potager-, la mise en scène de son intérieur ou la transfiguration d’un objet du quotidien -télévision, balance, frigo – c’est une topique du vote qui se trouve documentée. Dans le cadre d’une anthropologie du vote, ce ne sont pas seulement les motifs de l’adhésion à un candidat, le « pourquoi l’on vote », qui est observable ici mais encore « d’où l’on vote ». A travers ces formes d’expression situées, c’est un espace politique qui se dessine avec ses lieux emblématiques et ses ilots d’utopie.

La participation politique à l’oeuvre

Ces créations qualifiées souvent de « modestes » par leurs auteurs participent des contenus générées par les utilisateurs d’internet et du mobile. Des contenus qui sont à prendre au sérieux comme des formes d’expression politique au sens où se trouvent énoncées causes d’engagement et topiques des luttes au travers d’une réinterprétations de différentes formes culturelles. Elles performent le « pouvoir-dire » à l’oeuvre sur les réseaux de communication informatisés de façon plus située que ne pourrait le proposer un dispositif participatif politique en ligne. Cette approche de l’engagement politique par le biais de l’expression numérique ordinaire avec les moyens du bord (avec « paint car je n’ai pas les moyens de me payer photoshop » comme le commente un « révolunaute ») et à l’endroit où l’on se trouve (« j’ai un petit faible pour l’aspirateur dans le coin » dit le commentaire d’un portrait « en Che » proposé par un jeune étudiant) rencontre le pragmatisme de la dernière campagne étatsunienne lors de laquelle les vidéos, leurs commentaires et leurs mashups avaient été le support de débats, de prises de position et d’attitude d’adhésions.

La conversation créative des militants

Quand on s’attache à l’espace des commentaires des photos qui s’établissent à plus d’une centaine parfois, on remarque ce que nous appelons la « conversation créative » – c’est à dire la façon dont sur les dispositifs web d’expression et de socialisation, les interactions se trouvent médiatisées par l’intermédiaire de « contenus » constitués en général de photos légendées ou d’articles de journaux ou de billets de blogs, bref de contenus réappropriés et rendus partageables.Dans le cadre de cette campagne, on peut observer une politisation de cette conversation créative soit à travers des agencements énonciatifs d’adhésion des utilisateurs de la webapp du Front de Gauche soit à travers les détournements de l’affiche de campagne qui ont déferlé sur les sites de réseaux sociaux suite à l’annonce de sa candidature par Nicolas Sarkozy.

Cette conversation créative que certains voudraient faire passer pour une viralité immanente des images et des mots sur le web est – on le voit avec les messages des militants du Front de Gauche – le fruit d’une réappropriation singulière de genres visuels et de pratiques expressives de composition et d’écriture. Une conversation dont les protagonistes ont parfois, depuis la participation au défi photographique, pris le visage de leur portrait en révolunaute devenu leur avatar.

Les « messagers de la Révolution » – comme l’énoncé du défi les désignent – ne propagent donc pas de mèmes – ces contenus soi-disants viraux – sans savoir d’où ils viendraient et ce qu’ils signifieraient.

Ils s’unissent dans le jeu proposé par cette application qui s’adresse à eux depuis l’outil numérique le plus personnel, leur téléphone portable.